16 février 2009

"Le pire ennemi des profits, c'est le plein emploi"

"Le pire ennemi des profits, c'est le plein emploi". Cette phrase de François Chevallier, économiste stratégiste chez VP Finances, m'a coupé le neurone (source: Là-bas, si j'y suis) tant elle semblait si pleine de vérité et d'évidence. Mais il me fallait quand même quelques chiffres pour le prouver.

Depuis que je suis en âge d'écouter nos politiciens, ceux de droite comme de gauche, clament haut et fort que la lutte contre le chômage est une priorité majeure. Alors comment se fait-il que depuis le début des années 80 le taux de chômage en France est supérieur à 7%? Deux hypothèses: la première c'est que nos gouvernements successifs sont incompétents car ils n'ont pas su régler ce problème depuis près de 30 ans. Mais il y a des limites à l'incompétence et ma seconde hypothèse, qui est malheureusement beaucoup plus crédible, c'est que nos politiciens n'ont jamais voulu véritablement lutter contre le chômage.

Pourquoi? J'ai bien peur que la raison ne soit tristement simple. Le secteur tertiaire, dit des services, emploi près de 72% de la population active et représente 77% du PIB. Or dans ce secteur le coût du travail peut représenter jusqu'à 80% des charges d'exploitation de entreprise. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que la manière la plus simple pour baisser les coûts est de minimiser la masse salariale, c'est-à-dire de minimiser le nombre de salariés et/ou les salaires.

Pour ce qui est du nombre de salariés pas de problème grâce au licenciement pour motif économique, qui fonctionne à merveille même si l'entreprise fait des profits. Pour ce qui est des salaires pas de problème non plus. Étant soumis à la loi du marché, pour les maintenir le plus bas possible il faut simplement avoir beaucoup plus de demandeurs que d'offres d'emploi.

Bien sûr il n'en faut pas trop de chômeurs non plus, ça pourrait coûter plus cher que ça ne rapporte et devenir dangereux socialement. Depuis trois décennies il faut croire qu'un taux de chômage entre 7 et 10% permet de maximiser les profits tout en minimisant les risques sociaux. Alors pour paraphraser François Chevallier, le meilleur ami du profit, c'est le chômage. La lutte "active" et "prioritaire" contre ce fléau proclamée par tous nos gouvernements depuis près de 30 ans n'est qu'une colossale imposture.

photo de Roger Parry

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien que d'accord dans l'ensemble avec l'auteur, je voudrais tout de même ajouter deux ou trois choses:
- D'abord le chômage a ces dernières 30 années souvent dépassé le 10% en France (jusqu'à 12,5, voire plus).
- Factuellement, le chômage en France (comme à peu près partout en Europe) à commencer à grimper à partir du premier, puis du second choc pétrolier (1973 et 79-80 respectivement). Ensuite la mondialisation et son cortège de délocalisations industrielles ont maintenu la pression jusqu'à aujourd'hui.
- Il est aussi à noter que le premier gouvernement à avoir fortement fait reculer le taux de chômage (Jospin, de 12,5 à moins de 10) a été humilié aux élections suivantes. Ce qui peut porter à croire que même le peuple, censément victime du chômage, n'y accorde pas non plus une importance constante.
- Si donc le chômage a des causes en parties objectives et que ni les employeurs (je rejoins là l'auteur), ni les travailleurs (électeurs) ne semblent vraiment vouloir le contrecarrer, comment s'étonner de son niveau élevé?
- Mais soyons constructifs et suggérons quelques pistes de solution, comme la lutte contre le travail au noir qui permet de remplacer des emplois décents et comptabilisés par d'autres moins bien payés et illégaux (tout en incitant des parasite à cumuler les allocation chômage et des revenus au noir). Ou encore la réduction du temps de travail tant décriée par notre président actuel et pourtant déjà pratiqué depuis fort longtemps dans de nombreuses entreprises privées en Allemagne (Volkswagen notamment), contrairement aux allégations télévisée dudit président.

Géraud Servin a dit…

Cher Anonyme,

Trois remarques à propos de vos commentaires éclairés:
1. Il y en a une autre piste que je recommande dans un billet plus ancien et qui est la suivante: au lieu de chercher depuis 30 ans à créer des emplois pourquoi ne pas diminuer le nombre de demandeurs d'emplois? Pourquoi ne pas rémunérer ceux qui ne désirent pas travailler au sens capitaliste du terme (avoir un activité professionnelle rémunérée par un salaire) comme par exemple le parent au foyer? Pourquoi ne pas encourager ceux qui peuvent se le permettre de ne plus travailler?
2. Le but du jeu serait d'arriver au plein emploi, sachant qu'il y aura toujours un chômage frictionnel de quelques %.
3. Je m'interroge beaucoup plus sur la volonté politique d'arriver au plein emploi plutôt que sur les mesures à adopter.